117.

Maggie n’avait pas changé. Elle aimait toujours arpenter les rues de New York au milieu de la foule anonyme. C’était son côté femme du peuple. Ce qui expliquait pourquoi des millions de personnes s’identifiaient à elle, collectionnaient ses disques et la vénéraient.

Malgré son foulard et ses lunettes noires, on la reconnaissait régulièrement et, chaque fois, elle réagissait avec la même élégance insupportable. Elle y allait de son autographe et de son petit sourire effarouché. « Espèce de pute. »

Will la suivait de loin. Lui n’avait plus rien à craindre des chasseurs d’autographe, puisqu’il n’existait plus. Il était l’homme invisible. Mort et enterré…

Il ne la lâcha pas. Et lorsqu’en début de soirée elle quitta Manhattan et prit la route de l’ancienne scierie en direction de Bedford, il retrouva le paysage familier de sa descente aux enfers.

En revanche, le cours étrange qu’avait adopté sa vie ne cessait de le déconcerter. Comment couronner une existence si riche, quand tout semblait s’effondrer ? Que faire une fois qu’on a atteint le sommet ?

« Jusqu’à maintenant, songea Will, j’ai savamment manœuvré. »

Il avait tué Palmer sans l’ombre d’un remords. C’était pour lui le seul moyen de faire cesser le chantage auquel son insatiable frère le soumettait depuis l’incident de Rio.

Il l’avait déshabillé, lui avait passé ses vêtements, puis avait déposé le corps sur la pelouse, non loin de la maison.

Il était entré, s’était arrangé pour déclencher une crise monumentale, avait attiré Maggie à l’extérieur puis lui avait sauté dessus et l’avait quasiment assommée avant de tirer le coup de feu qui devait emporter les trois quarts du visage de Palmer. Après quoi il s’était éclipsé pour assister discrètement à la suite du spectacle.

Malheureusement, sa nouvelle vie s’était rapidement transformée en un nouveau cauchemar. Il lui arrivait de se demander s’il n’était pas un démon, s’il ne vivait pas en enfer.

Tout avait commencé à Rio, il le savait, le jour où il avait massacré cette fille. Et depuis, son lot n’était que crime et châtiment.

Loin devant, il vit Maggie s’engager dans l’allée de sa propriété. Qu’elle pût être heureuse sans lui le mettait hors de lui. Et pourtant, il avait essayé de l’aimer. Elle seule aurait pu le protéger de lui-même.

Il savait également quand tout avait basculé avec Maggie. Aucun doute possible : cela remontait à sa première défaillance sexuelle. À l’époque où il était M. Maggie Bradford. Depuis, il ne s’était quasiment pas passé un jour sans qu’il rêve de la tuer.

Elle l’avait déçu. Sa petite famille et elle devaient maintenant en payer le prix. Crime et châtiment.

Will alla dîner en ville dans un modeste bar-restaurant où aimaient se retrouver les gens du coin.

Il n’en revenait pas. Il était là, devant son hamburger frites suintant, et plus personne ne le reconnaissait. Mais était-ce bien étonnant ? Sa gloire, si gloire il y avait eu, appartenait au passé.

Désormais, il était la Flèche noire.

Casquette bleu marine sans écusson, pull gris, treillis : rien ne le différenciait des autres paumés en train de regarder les Knicks se faire rétamer en Indiana.

Non, il n’avait rien de particulier. D’accord, il avait pété les plombs, mais il devait y avoir d’autres allumés autour du comptoir en U. D’autres types qui caressaient l’envie de tuer leur femme.

— Putain, ils sont nuls, les Knicks, analysa finement son jeune voisin de gauche.

— Et mon hamburger vaut pas mieux, renchérit Will.

L’autre avait l’air de trouver ça drôle. « Toi et moi, on est du même monde, pas vrai ? faillit ajouter Will. Tu serais partant pour m’accompagner chez mon ex ? Je vais la tuer, cette salope, et ses deux moutards avec. Ça te branche ? »

— Ils ont dû venir manger ici la veille, ricana le voisin.

Will approuva pour lui faire plaisir et se fit la réflexion qu’il était temps de partir. A dire vrai, il n’était pas fichu de différencier les Knicks, les Yankees et les Jets.

Dehors, il faisait déjà nuit.

— Bon, ben, c’est pas tout, hein, y’a ma femme qui m’attend, lança-t-il à son nouvel ami, et il se leva de son tabouret.

« T’es sûr de pas vouloir venir, camarade ? Il va y avoir une nuit d’enfer à Bedford, je te le garantis. »

LA DIABOLIQUEpourepub
titlepage.xhtml
LA DIABOLIQUEpourepub_split_000.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_001.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_002.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_003.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_004.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_005.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_006.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_007.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_008.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_009.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_010.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_011.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_012.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_013.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_014.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_015.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_016.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_017.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_018.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_019.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_020.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_021.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_022.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_023.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_024.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_025.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_026.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_027.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_028.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_029.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_030.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_031.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_032.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_033.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_034.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_035.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_036.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_037.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_038.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_039.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_040.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_041.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_042.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_043.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_044.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_045.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_046.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_047.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_048.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_049.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_050.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_051.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_052.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_053.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_054.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_055.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_056.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_057.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_058.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_059.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_060.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_061.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_062.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_063.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_064.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_065.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_066.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_067.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_068.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_069.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_070.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_071.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_072.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_073.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_074.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_075.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_076.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_077.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_078.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_079.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_080.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_081.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_082.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_083.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_084.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_085.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_086.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_087.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_088.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_089.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_090.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_091.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_092.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_093.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_094.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_095.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_096.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_097.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_098.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_099.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_100.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_101.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_102.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_103.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_104.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_105.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_106.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_107.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_108.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_109.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_110.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_111.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_112.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_113.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_114.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_115.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_116.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_117.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_118.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_119.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_120.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_121.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_122.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_123.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_124.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_125.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_126.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_127.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_128.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_129.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_130.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_131.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_132.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_133.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_134.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_135.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_136.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_137.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_138.htm